http://www.cyberpresse.ca/apps/pbcs.dll/article?AID=/20060903/CPACTUALITES/609030310/5032/CPACTUALITES&template
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les cours sur le Moyen-Orient se sont multipliés dans les universités nord-américaines, mais l’enseignement de cette matière se révèle délicat en raison du climat délétère engendré par la “guerre contre le terrorisme”.
“Le nombre d’emplois dans les universités et collèges pour les spécialistes du Moyen-Orient a augmenté de manière significative”, souligne Juan Cole, de l’Association nord-américaine des études moyen-orientales (MESA).
“Il y a 2.000 collèges universitaires aux Etats-Unis. Plusieurs d’entre eux n’avaient pas de spécialistes du Moyen-Orient... Lorsqu’un professeur d’histoire américaine prend sa retraite, entre un spécialiste de la Chine, de l’Inde ou du Moyen-Orient, c’est la troisième option qui l’emporte à cause des événements du 11-Septembre”, ajoute-t-il.
Mais cet enseignement n’est pas sans écueil, et plusieurs professeurs peuvent se sentir traqués dans leur salle de cours par leurs propres étudiants.
A l’automne 2002, un spécialiste du Moyen-Orient, Daniel Pipes, a fondé le site internet “Campus Watch” dédié à l’étude critique des professeurs donnant des cours sur le Moyen-Orient. L’influent site dresse une liste des professeurs “fréquentables” et invite les étudiants à dénoncer les discours des enseignants anti-américains.
“Certains professeurs sont fiers lorsqu’on parle d’eux (même en mal), d’autres se sentent intimidés. Mais nous, ce n’est pas notre problème”, indique M. Pipes, en exhortant les universitaires à collaborer à l’effort de guerre des Etats-Unis.
“Nous sommes en guerre et les universités ont la responsabilité de participer à cet effort. Notre principale critique est que les professeurs ne le font pas. Ils devraient contribuer à notre effort de guerre avec leur connaissance des langues, de la culture, de l’histoire, de l’économie” de cette région du monde”, précise-t-il à l’AFP.
Dans ce climat intellectuel sous tension, plusieurs spécialistes du Moyen-Orient en rupture avec la politique étrangère de la Maison Blanche lorgnent vers le Canada.
“Mes collègues aux Etats-Unis... considèrent le Canada comme un havre pour la pensée critique sur le Moyen-Orient”, affirme Jens Hanssen, professeur d’histoire à l’université de Toronto.
Comme aux Etats-Unis, la demande de spécialistes du Moyen-Orient a explosé dans les universités canadiennes depuis 2001. Dans ce domaine, les effectifs ont plus que doublé en cinq ans.
Et comme seulement une poignée d’universités au Canada offrent des doctorats dans ce secteur, les institutions se sont tournées vers l’Europe mais surtout vers le voisin du sud, recrutant des professeurs de renom parmi le gotha des universités américaines.
Le spécialiste de l’Iran Richard Foltz n’a pas attendu d’être embauché au Canada pour traverser la frontière. Après la réélection de George W. Bush, en 2004, il a quitté son poste à l’université de Floride, fief “chrétien” et “militaire”, dit-il, pour chercher du travail au Québec.
Les étudiants en Floride “ne supportaient pas que l’on dise quoi que ce soit de mal à l’égard du gouvernement américain”, se souvient ce professeur enseignant à l’université Concordia à Montréal. “La possibilité de dialogue ici est plus élevée qu’aux Etats-Unis”. Mais il reconnait toutefois rencontrer des difficultés avec ses étudiants, majoritairement musulmans, qui ont souvent une “idée fixe” sur la matière qu’il enseigne.