<http://www.primo-europe.org/docs.php?numdoc=Do-567651067>
Depuis plusieurs mois, Tarik Ramadan semble vouloir étendre son influence dans certains milieux islamistes de Belgique. Il bénéficie pour ce faire d’un soutien logistique et relationnel de différentes ONG et organisations islamistes comme « islamic Relief » et le collectif « présence musulmane » pour ne citer qu’elles.
Conformément à une méthode qui a fait ses preuves, Tarik Ramadan sait être affable et compréhensif avec ses hôtes officiels et officieux de notre petit royaume. Utilisant une rhétorique bien orchestrée, il soupèse chacun de ses mots et suggère à souhait des pensées subliminales à ses auditeurs. Incontestablement, le nouveau maître à penser des banlieues françaises fait non seulement des émules auprès de la jeunesse issue de l’immigration en Belgique, mais aussi et surtout d’une bonne partie des médias et de la classe politique belge.
Un sacre lui a d’ailleurs été dédié lors de sa venue au parlement européen le 5 mars dernier sur le thème « musulmanes et féministes ». Ce jour là, Tarik Ramadan a su façonner son image devant un parterre de VIP grâce à des discours lénifiants et apaisants pour tous. Usant de la victimologie comme nouveau concept ritualisé, Tarik Ramadan se présente aux yeux de l’intelligentsia belge comme un réformiste en mal de compréhension. Il semble qu’il suffit de distiller des paroles apaisantes et de papillonner lors des éternelles agapes et cocktails mondains pour bluffer une certaine élite. Une élite bien trop souvent aveuglée dès qu’elle se trouve confrontée à une énième rengaine académique indigeste.
Quoi qu’il en soit, Tarik Ramadan sera reçu avec tous les honneurs par un certain nombre de mandataires et d’institutions publiques, sans que cela fasse l’objet d’une quelconque polémique. La presse belge n’évoquera que brièvement son passage au parlement européen sans pratiquement jamais faire état de sa présence dans le pays tout au long de l’année 2004. Seul l’hebdomadaire Le journal du mardi (No155)) lui accordera une longue interview.
Ce journal dresse un portait élogieux et respectable de Tarik Ramadan. Ses journalistes en sont certains : Tarik Ramadan n’a pas un double discours. Il est notable qu’à travers ces colonnes, Le journal du mardi prétend faire du journalisme d’investigation couplé à une analyse sociétale pertinente et neutre…Ces investigations doivent être à géométrie variable, car personne, mis à part (sans doute), l’un ou l’autre membre des services de renseignements, n’était présent lors des multiples déplacements et colloques de « frère Tarik ». Quant aux liens entre Tarik Ramadan et les réseaux islamistes, Le journal du mardi semble soudain atteint d’autisme… Pourtant, là comme ailleurs, il suffit de tendre l’oreille et d’ouvrir les yeux…
C’est lors d’une conférence chapeautée par les facultés universitaires Saint-Louis que, le 14 février dernier à Bruxelles, Tarik Ramadan annonce officiellement, sa participation à de multiples colloques et manifestations musulmanes en Belgique. En mai, il sera à Liège, en juin dans la ville de Mons. Pour l’heure, et à l ‘occasion de la fête de l’Aïd, les collectifs et ONG ont mis les petits plats dans les grands. La présence de l’islamologue est parfaitement coordonnée dans un esprit de compagnonnage et de ‘franginat’ qui permet la mise sous cloche de toute une jeunesse. Une jeunesse malléable à souhait, dénuée d’esprit critique et totalement déconnectée de la société belge dans laquelle elle vit. Ce constat met n’importe quel observateur mal à l’aise et ne laisse rien présager de bon pour l’avenir
Son arrivée à Bruxelles est, bien entendu, minutieusement préparée. Ainsi, pendant plusieurs jours et devant un parterre d’adolescents voire de préadolescents, divers collectifs musulmans vont mener, dans les quartiers chauds de la capitale et à la sortie des écoles, une campagne de sensibilisation afin que tous puissent écouter et rencontrer « frère Tarik ».
Aux facultés universitaires Saint-Louis, ce jour là, la salle est pleine à craquer. Tarik Ramadan, ovationné est porté aux nues par un public visiblement acquis à sa cause et qui ne devait pas dépasser une moyenne d’âge de…16 ans. Il faut dire que l’islamologue suisse a le verbe haut et la ritournelle facile. Il sait comment s’adresser à des adolescents visiblement en pleine crise identitaire. Après avoir usé d’arguties mystico-philosophiques, apparemment innocentes, sur le thème de l’humilité en Islam, Tarik Ramadan glisse rapidement sur le registre politique, véritable but de sa présence.
Usant d’un jargon de spécialiste, jouant du pléonasme comme mode de pensée, Tarik Ramadan se veut le porte-drapeau d’une certaine vision de l’islam, un islam pour le moins rigoriste pour ne pas dire archaïque. Contrairement à l’image policée que semble vouloir lui donner une partie de l’élite belge, Tarik Ramadan voue aux gémonies les intellectuels musulmans voulant réformer l’Islam. Pour lui, ces intellectuels musulmans sont manipulés par les médias, et plus particulièrement par « Envoyé spécial » et le « 20 heures ». Lorsque Tarik Ramadan évoque ceux qui ont une autre conception de l’islam que lui, c’est pour sous-entendre, à mots feutrés, une ultime conjuration contre la religion musulmane toute entière. Et il rajoute « chers frères, je vous le jure, on n’adoptera pas l’attitude de certains intellectuels, membres de notre religion. À ceux-là je leur dis : vous assumerez pour aujourd’hui, pour demain, pour l’Histoire et pour l’éternité vos actes ». Autrement dit, Tarik Ramadan est dans le vrai et les autres sont dans la faute, le péché, le blasphème pour ne pas dire la trahison… La menace à peine voilée est aussi sous jacente dans ces propos.
Rapidement, il change de registre. Il distribue ses bons et mauvais points à la Belgique. L’islamologue commence par féliciter le gouvernement pour son attitude sur la question du voile, et se glose de l’isolement des deux parlementaires sur l’échiquier politique. Ensuite, il tempête et menace « pour l’avenir de l’Europe, pour l’avenir de la Belgique, pour l’avenir de tous les citoyens européens, je vous le dis : il faut éviter de tenir des propos négatifs sur l’islam comme le font certains politiciens belges heureusement minoritaires.Mais heureusement, chers frères, la Belgique n’est pas la France, il ne faut pas suivre ce qui ce passe chez vos voisins. L’Histoire française est en train de rentrer en conflit avec la présence musulmane ».
Oui, ce jour là, Tarik Ramadan a bien un type de discours qui correspond bien à un type de public qui n’est pas celui du monde policé, surprotégé du parlement européen. A l’instar des manipulateurs de l’inconscient collectif, Tarik Ramadan est parfaitement rodé à la psychologie des masses. Il sait que pour pouvoir habilement suggestionner une foule il faut « deviner ce que pense l’auditoire et penser d’abord comme lui pour l’amener ensuite à penser comme vous » (Gustave le bon).
Semblable aux mouvements d’un balancier, Tarik Ramadan temporise sur la notion de dialogue qui, selon lui, est plus présente en Belgique qu’en France, puis change de propos. Il essaime de nouveaux coups de griffes vis-à-vis d’une société belge largement obtuse. Le double discours est donc bien, à l’instar de certains discours politiques, une véritable stratégie communicationnelle bien agencée.
« Oui, il y a un problème d’audition dans la société belge. Il faut donc, lorsque l’on parle de notre religion, réformer notre discours. Alors que veut dire réformer notre discours ? Est-ce que cela veut dire que le musulman doit renoncer à l’islam ? Non, réformer notre discours ne veut pas dire qu’il faut trahir ce que nous sommes. Il faut simplement adapter notre discours à ce que les oreilles veulent entendre. Autrement dit, qu’il n’y ait pas de doutes là dessus, il n’y aura pas de musulmans sans Islam. Chers frères, les musulmans ne sont pas là pour faire plaisir aux gens. Nous vivons dans une société démocratique et nos désaccords sont des richesses. Mais on peut changer mille fois de discours, si votre surdité reste infinie au point que chaque fois que l’on parle vous pensiez de facto que l’on a un double discours, que l’on complote lorsqu’on dialogue et quand on dialogue que l’on cache quelque chose et bien oui, il y a bien un problème d’audition dans la société belge. Mais, à force de parler, la communauté musulmane n’est plus entendue et, je le répète, c’est vos oreilles qui ont des problèmes et c’est votre surdité qui fait l’enfermement de la communauté musulmane ».
La tension est alors à son comble dans la salle. Tarik Ramadan dénonce ensuite avec force la notion de discrimination positive qu’il s’empresse de décrire comme un véritable marché de dupes de l’ascension sociale. « Gardez votre discrimination positive, on s’en moque. Le musulman n’a que faire de la caution morale venant des acteurs, des chanteurs, d’un sportif ou encore d’un préfet. Cessez de vous moquer de nous, rendez-nous notre dignité. Cessez de nous dire ce qu’est la liberté. Il n’y a pas une façon d’être libre comme pourrait le croire certains, mais plusieurs façons d’être libre. Etre libre, c’est être ceci parce que ceci est mon idéal, non à la discrimination positive, oui au voile… ! »
Incontestablement, chez Tarik Ramadan, chaque mot, chaque phrase, sont peu ou prou soupesés, travaillés, ce qui donne l’impression que rien de ce que dit cet homme ne semble spontané. Le discours politique laisse pourtant, à l’instar du théâtre, une place à l’improvisation, mais pas chez Tarik Ramadan. L’islamologue est, quant à lui, emmuré dans une logique dialectique totalement pré-mâchée.
Tarik Ramadan aborde tous les sujets, y compris les plus délicats. A la fin de la conférence un jeune dans le public interpelle l’islamologue et lui pose une question embarrassante. « Frère Tarik, que doit faire un musulman lorsqu’il a envie d’une pute ? ». Des rires étouffés se font entendre dans la salle. Tarik Ramadan, sans hésitation, répond : « la prostitution n’est pas en accord avec l’éthique musulmane ». Ensuite, il insiste sur la nécessité de l’écoute, de l’accompagnement de la prostituée par le musulman, surtout si elle fait des efforts pour changer de métier. Donc, chez Tarik Ramadan, le client se transforme en policier ou assistante sociale. « La prise de conscience de l’erreur dans le choix d’être une pute et la rédemption de celle celle-ci ouvre la voie du salut et du pardon en islam », rajoute-t-il.
Dans cette vision, hypocritement manichéenne du monde, la prostituée ne peut-être que volontaire. Afin d’éviter toute relance sur ce sujet brûlant et de clôturer sa conférence, Tarik Ramadan termine par une ultime pirouette : « au regard de Dieu, l’humilité de celui qui avance dans le mal est mieux que l’arrogance de celui qui se croit dans le bien ». Comprenne qui pourra.
Indubitablement, le personnage est charismatique, il exerce une fascination quasi mystique, hypnotique même sur son jeune public. Tous essaient de le joindre après son speech, mais Tarik Ramadan s’éclipse rapidement, étroitement protégé par son service de sécurité très dissuasif. Il plonge dans une voiture qui démarre en trombe vers le centre ville.
Dans la salle, de nombreux jeunes sont pris en charge par des assistants sociaux venant des différents collectifs musulmans. « Salam Alikoum, tu as un problème cher frère tu as l’air seul, », dit une jeune femme voilée à un adolescent, « tu veux en parler ? », « Tiens prend ma carte… ». Deux sièges plus loin, un homme hagard d’une quarantaine d’années, accoudé à un banc, discute avec une autre assistante sociale : « si la société te rejette, tu ne dois pas rester seul, nous sommes là pour t’écouter…Allah est avec toi » dit-elle sur un ton mielleux et compatissant.
A la sortie des facultés Saint-Louis, une foule s’amoncelle, obstruant, l’espace d’un instant, le passage piétonnier ainsi qu’une partie du boulevard. Il y a beaucoup de très jeunes gens, ils discutent avec les organisateurs de la fête de l’Aïd et les différents collectifs présents ce jour là. Au loin, un fourgon de police semble se diriger vers l’attroupement. Soudain, dans la foule, une voix vigoureuse se fait entendre et prononce quelques mots en Arabe. Le rassemblement se disperse alors rapidement en petits groupes de trois ou quatre personnes très mobiles. La police s’approche du rassemblement en dislocation mais la camionnette ne s’arrête pas et continue sa route. La place se vide rapidement, la circulation est rétablie en quelques minutes.
Une partie de cette foule se recompose un kilomètre plus loin dans la commune de Schaerbeek, près de la célèbre mosquée « Koubaa ». Les adultes se rendent à la taverne restaurant « L’Arestousa » située juste à côté de celle-ci. Ils échangent leurs impressions sur frère Tarik. D’autres rentrent dans la mosquée ou réintègrent leur domicile le plus simplement du monde.
Dans la mosquée « Koubaa », il n’y a pas de tracts ou autres affiches compromettantes, au contraire. L’utilisation du broyeur à papier semble de rigueur. Dès qu’un nouveau venu est présent dans la mosquée, il est rapidement abordé par un habitant du quartier. Dans cette zone de Bruxelles, tout le monde se connaît de près ou de loin. Difficile de passer inaperçu. La tension est papable, la communauté musulmane se sent surveillée et n’aime pas cela. A quelques lieues de là, se trouve la mosquée « Assalam », hermétiquement fermée et inaccessible pour les non-initiés. Après les prières, il y a souvent des rassemblements dans le café « Andalou », celui-ci jouxte la mosquée « Assalam ». A l’ « Andalou » comme à l’ « Arestousa », il arrive d’entendre parler de l’actualité et de frère Tarik… Certains propos sont parfois peu nuancés et ne laissent malheureusement pas de place au doute sur les capacités d’influence de frère Tarik sur sa communauté…La dialectique est limpide et d’une cruelle banalité… Plus le lieu de rassemblement est confiné, plus les discours se radicalisent….CQFD. Savoir distiller à petites doses homéopathiques des propos subversifs est un art, un art que manie incontestablement avec brio frère Tarik…
Aux dernières nouvelles, Fadila Laanan, la nouvelle ministre de la culture et de l’audiovisuel vient d’accorder des subsides afin de financer Le journal du mardi, un bonus pour les analyses clairvoyantes de cet hebdomadaire…